Est-ce la faute de Descartes ?

descarteshackedPauvre Descartes, que vient-il faire là ?

En quoi serait-il responsable de nos difficultés à faire bouger les lignes et à insuffler une dynamique entrepreneuriale au sein de nos grandes organisations ?

Lui qui a largement façonné nos façons de penser et inspiré nos méthodes scientifiques, que lui reprocher ?

C’est en allant faire un tour du côté des sciences de la complexité, que l’on comprend à quel point notre cartésianisme nous bride, quand il s’agit de dessiner le futur.

Rigoureux, sur-diplômés, nous savons qu’il faut innover coûte que coûte, se différencier, créer de la valeur. Nous le savons et pourtant nous « ramons » !

Il peut sembler paradoxal d’aller chercher dans les sciences de la complexité des approches et des outils pertinents pour penser demain, quand la simple évocation du complexe nous donne mal à la tête ! Pourtant, appliquer rigoureusement les 4 principes cartésiens (évidence, exhaustivité, analyse et logique) nous garantit une chose, c’est de n’être jamais visionnaire, entreprenant et créatif !

Allons sur You Tube et « tapons » Edgar Morin.  Penseur de la complexité et auteur de 6 volumes consécutifs pour tenter de formaliser « sa » méthode, il est actuellement invité partout et sur tous les fronts. A 95 ans, c’est le “pompier” de cette complexité qui nous déroute et caractérise pourtant notre époque. A son grand âge, il est associé à la nouvelle chaire de Complexité de l’ESSEC. Presque un demi-siècle après ses premiers écrits sur la complexité, le voilà qui a le « vent en poupe ». Sa vision d’une réalité plurielle et incertaine nous parle, tant nous la vivons. Nous buvons ses conseils comme du petit lait, à croire que notre culture, notre éducation et notre formation supérieure, ne nous ont pas apporté ce qu’il fallait pour la gérer.

En l’écoutant nous expliquer comment aborder la complexité, nous comprenons pourquoi les organisations peinent à suivre :

  • Intelligence collective contre pouvoir d’influence

  • Prise de risque contre analyse de risques

  • Agilité permanente contre lourdeur organisationnelle

  • Incertitude assumée contre défaut de vision

  • Chasseurs d’opportunités contre chasseurs de coûts

Des paradigmes qui peinent à cohabiter, au point d’avoir à se fédérer pour légitimer le “corporate hacking”. Contourner les peurs, vaincre les freins et cet esprit critique si français qui inhibe l’entreprise, nous avons du pain sur la planche ! Mais rassurons-nous, Edgar Morin a “ramé” toute sa carrière à convaincre le monde scientifique de dépasser le cartésianisme pour décrypter le monde. L’une de ses phrases clefs, « faire pour comprendre et agir pour penser » en dit long sur la rupture épistémologique qu’il a engagée en son temps.

Alors à le lire, tout « maker » s’y retrouve, parce que ce dernier sait faire des choix et décider, changer de cap en fonction de l’évolution permanente de son environnement et surtout agir à dessein.

A dessein, parce ce qu’il n’avance pas sans vision, cette fameuse vision qui peine tant à émerger et à être partagée par nos grands décideurs.

A dessein également, puisque le « maker » s’appuie sur ses convictions et ses valeurs. Et surtout, il sait faire confiance à ses intuitions.

Est-ce la raison du succès actuel du design thinking, qui prône l’esprit du designer et ses outils pour innover à dessein ? Difficile à dire, mais il faut néanmoins souligner une grande proximité de démarche et d’outils entre l’approche systémique prônée en complexité et la démarche d’un designer.

Alors, ne faudrait-il pas côtoyer de plus près le métier du design et l’intégrer davantage dans l’entreprise, pour y déployer une culture de la prise de risque, de l’action à dessein et du « faire » au-delà du « y a qu’à faut que » ?

catherinelengletArticle invité de Catherine Lenglet Accompagnatrice d’entrepreneurs créatifs dans le développement de leur activité. Elle est le référent du programme d’enseignement de la complexité à Strate Ecole de Design. Elle intervient dans différents établissements d’enseignement supérieur comme The SDS, Ponts et Chaussées et l’IFM.

Auteur du Design des Connaissances, elle a modélisé en collaboration étroite avec des designers industriels, une démarche et des outils pour voir et évoluer en complexité dans les projets.


Laisser un commentaire